Le sport entre logique universelle et revendications identitaires. Sociétés de ski, processus de germanisation et résistances à l’assimilation dans l’Alsace annexée (1896-1914)
DOI :
https://doi.org/10.1353/his.2014.0028Résumé
Au moment où la « société civile » européenne se structure autour de cercles sportifs et culturels au cours des dernières décennies du XIXe siècle, de nombreuses régions où vivent des minorités nationales (Trentin, Pays Basque, Slovaquie) connaissent un engouement certain pour les associations promouvant les sports de montagne (ski, randonnée pédestre). L’Alsace, territoire annexé au Reich allemand entre 1871 et 1918, s’inscrit dans ce mouvement. L’émergence des sociétés de ski locales à partir des années 1890 fait apparaître des lignes de fracture entre partisans de la germanisation de la région et opposants à l’assimilation culturelle. Paradoxalement, ces positions très tranchées vont, sur le principe d’un mécanisme d’attirance/rejet, se fondre progressivement dans un projet sportif commun, ce qui amènera des pratiquants ne partageant pas les mêmes visions de l’annexion à coopérer tout en continuant à cultiver leurs antagonismes sociopolitiques. Nous montrerons ainsi que les processus identitaires produits dans le contexte de l’annexion vont devoir composer avec la logique universelle du sport.
As European “civil society” was coalescing around athletic and cultural organizations during the final decades of the 20th century, associations promoting mountain sports (skiing, hiking) became a growing trend in a number of regions with national minorities (Trentino, Basque Country, Slovakia). Alsace, which was annexed to the German Reich between 1871 and 1918, took part in this movement. The emergence of local ski associations in the 1890s exposed cleavages between the supporters of Germanization of the region and the opponents of cultural assimilation. Paradoxically, based on an attraction/repulsion mechanism, these quite entrenched positions gradually faded as a common sports effort emerged; participants who did not share the same vision of the annexation worked together while continuing to cultivate their sociopolitical differences. We will demonstrate that the identity processes generated in the context of the annexation had to contend with the universal logic of sport.